Adrienne Luce

La symbolique des loups
décembre 2003 (performance)

par Denise Pelletier
(DP) - Parmi les performances inscrites au programme du colloque Géopoétiques, arts et mémoire de la terre, celle d’Adrienne Luce, particulièrement fascinante, constitue un bel exemple des conceptions de Kenneth White sur la convergence entre la terre, la nature, et l’homme. L’artiste, native de Gaspésie et installée à Chicoutimi où elle poursuit une maîtrise en art à l’UQAC, a travaillé sur l’interaction entre l’humain et l’animal. Sa performance commençait à l’intérieur de la galerie, par une projection vidéo. L’artiste imitait ensuite le hurlement du loup, auquel répondait sa petite chienne, nommée Puce. Puis elle se déplaçait à l’extérieur, près du Pavillon des arts, où l’attendait Rebelle, la louve, tenue en laisse et attentivement surveillée par son maître, Yves Huot.
L’artiste a ensuite enterré sous la neige du pain garni de sardines (le mets préféré de Rebelle): la louve, libérée de ses entraves et attirée par l’odeur, s’étant approchée d’elle, Adrienne Luce a mangé des tranches de pain en compagnie de l’animal. Puis elle s’est étendue par terre et a placé, sur ses mains, sa poitrine et son front, des morceaux de viande rouge que la louve a délicatement cueillis avec sa gueule pour les dévorer.
Cette performance s’inscrit dans le cadre d’une recherche sur les loups que mène Adrienne Luce depuis quelques années. Le geste d’enterrer la nourriture, comme le fait la femelle alpha de la meute pour apprendre aux petits à la trouver, prend valeur de symbole: celui de la relation mère-enfant par le biais de la nourriture, celui de la table comme lieu de rassemblement. La captivité dans laquelle est maintenue Rebelle lui fait penser à celle qui retient les ouvriers à l’usine. Finalement, elle voit dans sa performance, où elle doit faire preuve d’une grande humilité devant la louve, un geste réparateur de la fracture entre l’homme et l’animal, née des préjugés qui ont eu cours au fil des siècles sur le loup, considéré comme un dangereux prédateur, foncièrement méchant.
Adrienne Luce dit avoir développé un fort attachement à la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui lui permet de développer in situ sa pratique portant sur l’art et la nature, et de poursuivre la réflexion sur le littoral qui est l’objet de son mémoire de maîtrise.